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ardennes-medievales-450-1500

Vagabondage à travers l'actuel département des Ardennes pendant le millénaire médiéval, agrémentée de haltes diverses (sites, images, chartes traduites, ...)

Remarques sur les châteaux médiévaux ardennais (1) – Considérations préliminaires...


J'ai déjà proposé un essai de synthèse, quelque peu téméraire, sur la question. J'en reprends ici les grandes lignes, en espérant que des internautes avisés et documentés pourront m'aider à affiner mes propos ! La seule façon d'y voir clair, c'est de confronter les sources archivistiques avec les observations de terrain.

 

Rappel: qu'est-ce qu'un château pour les gens du Moyen Age ?

Nous avons tendance à voir des châteaux partout, dans la moindre bâtisse à murs épais, datant aussi bien de l'époque romaine que du siècle de Louis XIV... Mettons-nous d'accord sur la réalité castrale médiévale.

 

Elément essentiel et structurant du paysage, le château recoupe plusieurs réalités indissociables:

  • tout d'abord, c'est une résidence privée fortifiée. Une résidence permanente ou occasionnelle. Comme toute forme d'habitation, elle doit donc répondre à un certain nombre de contraintes domestiques...

  • d'autre part, c'est la capitale politico-économique d'un Etat de dimensions et de puissance extrêmement variables , de la petite seigneurie banale à la principauté régionale.

  • En outre, c'est, par conséquent, un lieu symbolique qui enracine dans l'espace le pouvoir légitime ou légitimé, d'où l'acharnement permanent des puissants, souverains, comtes, évêques, à combattre toutes les tentatives d'implantation sauvage

  • enfin (?), c'est très souvent un centre de peuplement autour duquel s'accrochent des populations anciennes ou nouvelles. Le château, certes, peut s'élever dans une zone déjà humanisée, notamment en milieu urbain (Mouzon, Ivois/Carignan, Château-Porcien, …), mais il peut aussi engendrer une extension de la trame démographique grâce à l'émergence des bourgs castraux (Bourcq)

 

C'est la conjonction plus ou moins achevée de ces principaux facteurs qui fait le château et qui l'enracine dans un contexte spécifique, celui de la féodalité. Et qui distingue ce château de la fortification mérovingienne, de la place-forte royale (Charlemont, Rocroi,...) … ou encore du fort de la ligne Maginot !

 

 

Châteaux de plaine, châteaux de hauteur ?

 

Evidemment, on ne construit pas un château n'importe où !

 

Quel site choisir ? Le site de hauteur vient spontanément à l'esprit. Mais cette évidence un peu facile ne résiste guère à l'analyse de la trentaine de cas recensés, puisque la moitié seulement occupe une éminence naturelle. Dans ce type de sites, l'éperon barré l'emporte massivement.: la forteresse tire aisément parti des escarpements plus ou moins remodelés qui l'isole de la plaine environnante. Les exemples d'Autry, de Bourcq, de Montcornet,ou encore d' Omont sont particulièrement éloquents.

 

 


                                              Site d'Autry  (Géoportail)

 

 

 

 

A Bourcq, l'éperon domine la plaine alluviale d'une quarantaine de mètres; ses flancs, raides, ont été très probablement profilés; une plateforme de 150 m. de longueur en occupe l'extrémité orientale; isolée de la racine de l'éperon par un large fossé, elle possède encore une magnifique motte barrage d'une quarantaine de m. de diamètre à la base qui supportait jadis le donjon et au-delà de laquelle s'étend un petit espace triangulaire; à l'ouest, vers la racine de l'éperon, l'église paroissiale actuelle , qui a sans doute succédé à la chapelle castrale primitive, marque le début de l'habitat villageois, qui s'est développé dans la basse-cour. L'ensemble , quelque peu dénaturé par la construction d'une maison au pied de la motte, est sans contredit l'un des plus beaux sites castraux ardennais.

A Chaumont-Porcien, les autorités comtales ont porté leur choix sur une butte naturelle, alors qu'à Stonne un large fossé, emprunté par la route qui descend du village, détache le « Pain de Sucre » du reste de l'éperon évasé. A Mézières, la vieille forteresse archiépiscopale puis comtale se dressait sur la croupe rocheuse enserrée au nord et au sud par le méandre de la Meuse.

 

Quant aux sites de plaine, ils tirent avantage de la présence d'un cours d'eau (Mouzon, Balham,...), d'une confluence (Warcq, Le Châtelet s/Retourne,...). Voire d'une zone marécageuse: l'exemple le plus spectaculaire est celui celui de Chantereine à Thin où fut aménagé l'une des plus anciennes mottes de France, dans le troisième quart du X° s., non loin d'une petite abbaye bénédictine et au coeur d'un marais sans doute aménagé à cette occasion par le barrage du ruisseau.

 

 

 

                                                                  Motte de Givron

                                                                      (photo PS)

 

 

 

 

 

Le facteur humain au coeur de l'implantation castrale

 

L'élément essentiel qui intervient dans l'implantation des châteaux est néanmoins d'ordre juridique: sauf pour l'importuner, je ne vais pas l'implanter sur la terre de mon voisin … Celui-ci peut réagir d'une manière peu amicale (l'évêque Richaire de Tongres rase ainsi en 933 celui que le comte Bernard avait érige non loin d'Arches – est-ce le « Château des Fées » de Montcy ?). Somme toute, les usurpations restent ici rarissimes, sans doute parce que le système féodal permet de régulariser juridiquement une situation que la force ne peut régler (par le biais de l'avouerie, par exemple)

 

Bien sûr, la question qui se pose maintenant , c'est celle de sa localisation au sein de la seigneurie. Elle se pose essentiellement aux autorités archiépiscopales et comtales. Un constat s'impose: le(s) château(x) n'en occupe(nt) jamais le centre, contrairement aux vieilles idées reçues; les marges sont privilégiées. Mais attention aux anachronismes faciles: encore faut-il que chronologie castrale et chronologie politique soient mises en concordance; or le situation des châteaux dans l'espace ne prend sens qu'en tenant compte de la grande redistribution des pouvoirs aux X°-XI°s. et l'effacement des vieilles limites carolingiennes..

 

Parallèlement à la question juridique – on construit sur ses terres -, on constate que le château n'est jamais coupé d'un centre d'activité humaine , en tout cas pour les grandes forteresses; instrument de domination des campagnes et de structuration de l'espace, dès le X° s., il s'élève toujours dans un secteur humanisé depuis plus ou moins longtemps; Il peut aussi devenir, comme je l'ai déjà noté, un nouveau foyer de peuplement, surtout à partir du XII°s.. Enfin, il s'associe volontiers un établissement religieux (prieurés de Saint (Ri)gobert à Omont, de Saint Médard à Grandpré, de Notre-Dame à Château-Porcien et à Rethel, collégiale Saint-Pierre à Mézières, …)

 

 

Château-Porcien au début du XVII° s.

Album de Croy (archives Croy de Dülmen, photo P.S.)

                    Une implantation ancienne dans la capitale d'un pagus carolingien et

                 au coeur de la vallée de l'Aisne, humanisé depuis les derniers siècles avant JC

 

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