26 Décembre 2010
Images … Un acte original de janvier 1416 (nouveau style)
(photo P.S.)
Le document est la reproduction d'un acte sur parchemin du début du XV° siècle, encore munie de son sceau. Il est conservé aux Archives départementales de Lille, Chambre des comptes, sous la cote B 768 (15312-3) . Il mesura approximativement 32 cm de longueur sur14 de largeur; le sceau de cire rouge , de 2,5 cm de diamètre, porte un écu malheureusement illisible.
Transcription linéaire.
Je Guy seigneur daynaumont ch(eva)li(er) Chastellain et capitain(n)e du chastel de Rethel fais savoir à tous que jay au jour duy
fais le serement a cause de la garde et capitannerie dudit chastel en la main de ma tres redoubtée dame madame la
Contesse de Nevers, et aussi du seign(eu)r de Roichefort conseill(e)r & chambellan
de mon tres redoubté seign(eu)r Mons(eigneu)r
le duc de Bourg(oign)e a ce co(m)mis de par lui selon la forme & teneur de certaine chose
sur ce f(ai)te dont la teneur sensuit.
Les capitaines qui seront co(m)mis par ma dame la Contesse de Nev(er)s à la garde des chasteaulx et forteresses
demourez du deces de feu mons(eigneur) le Conte de Nevers jureront et promett(r)ont loyaulment es mains de mons(eigneur) le duc
de bourg(ogne) de ma dame la Contesse de Nevers co(m)me ayant le gouvernem(en)t de messeigneurs ses enfans ou de leurs com(m)is
& deputez ad ce quilz garderont bien et loialment lesdis chasteauls & fort(er)esses & ne metteront en iceulx ne souffront mettre
aucun(e) p(er)sonne dont dom(m)aige mal inco(n)venient ou preiudice a mondit s(eigneur) le duc à madame auxdis ses enfants ne a leurs
pais et subgez sen puissent enfuir en aucune manie(re) ne rendront ou deliv(re)ront icelles forteresses a quelconques
personn(es) qui soient sens le consentement & ordonnance de mondit seigneur et de madame durant son vesve
ou a leurs com(m)is, et par leurs l(ett)res patentes scellées de leurs seaulx ensamble, ou par leurs com(m)andemens de bouche
Sauf touteffois que par ce mondit s(eigneur) le duc ne puet ou doit acquerir ou p(r)endre ??? de mesdis seigneurs les enfans aucun
droit esdis chasteaulx ou forteresses. En tesmoing(nage) de ce jay mis mon seel a cez p(rese)ntes lettres le XI° jour de janvier lan
mil quatrecens et quinze
Commentaire rapide
Il existe aux Archives de Lille au moins trois versions de ce texte, qui se distinguent pour l'essentiel par l'identité de ses auteurs, trois capitaines de forteresses du comté de Rethel: Jacques, sire de Lor, gouverneur de Rethélois et capitaine d'Omont; Renaud de Coucy, sire de Vervins, capitaine de Château-Regnault et , ici, Guy, sire d'Inaumont, capitaine de Rethel. L'écriture étant identique, jusqu'au choix des formules d'abréviations, montrent qu'elles proviennent de la main du même scribe. Il s'agit d'un serment prêté par ces trois officiers à la comtessse de Rethel et au duc de Bourgogne qui les engagent à garder fidèlement les dites forteresses sous l'autorité de ces grands seigneurs.
Le contexte politique est en effet particulièrement troublé. Le Royaume de France, plongée dans la Guerre de Cent Ans, s'entredéchire entre partisans , d'une part, du duc d'Orléans/comte d'Armagnacs , et du duc de Bourgogne, d'autre part, devant un souverain affaibli (Charles VI) incapable de réagir. Trois mois avant la rédaction de cet acte, l'armée royale venait d'être anéantie à Azincourt - une bataille à laquelle le duc de Bourgogne Jean sans Peur avait refusé participer, jouant la carte de la stricte neutralité entre rois de France et d'Angleterre afin de mieux de positionner pour l'avenir. Notre acte, postérieur au désastre, est en réalité daté de 1416, et non de 1415 – l'année commençant en mars.
Et , de part sa configuration féodale, la région ardennaise se trouve aux portes d'une crise dans laquelle elle ne va tarder à plonger, pour de longues décennies. Le comté de Porcien appartient en effet au duc d'Orléans, alors que celui de Rethel est contrôlé par un seigneur bourguignon, Philippe, également comte de Nevers. A la différence de son frère le duc Jean sans Peur, Philippe de Bourgogne a participé à la bataille d'Azincourt et il y a trouvé la mort (avec son autre frère, Antoine, duc de Brabant). Et la disparition brutale de celui-ci est une tragédie pour le comté de Rethel, puisque ses deux héritiers, Charles et Jean, sont des nourrissons; l'autorité réelle, jusqu'à leur majorité, repose sur les épaules de sa veuve, la comtesse Bonne d'Artois. L'acte fait implicitement référence à ces quatre personnages. L'occasion est inespérée, pour le duc de Bourgogne, d'étendresa mainmise sur le Rethélois, aux portes du Porcien orléaniste. Et l'acte de janvier 1416 met en lumière ce basculement du comté de Rethel dans le camp ducal, concrétisé un peu plus tard par leremariage de Bonne d'Artois avec Jean sans Peur … La guerre civile allait s 'abattre sur la région, aggravée par l'arrivée de troupes anglaises aux lendemains de l'assassinat de Jeans sans Peur et de l'alliance officielle entre Bourgogne et Angleterre.